Le projet de réhabilitation s’inscrit dans une opération de restructuration plus large de l’îlot Tolbiac Moulinet. Le programme comprend la démolition de deux immeubles, la réhabilitation d'une tour R+10, et la construction de deux plots dans le jardin et d'un immeuble composé de 3 entités alignées sur la rue de Tolbiac par les agences de Jean-Christophe Quinton, Guillaume Ramillien et Nicolas Dorval Bory.
Atelier Aïno est en charge de la réhabilitation de la tour existante constituée de 44 logements. Le projet comprend une mise aux normes en matière d’accessibilité du RDC, d’isolation phonique, thermique et de sécurité. Elle s’appuie sur un financement « Plan Climat ». Les diagnostics architectural et structurel réalisés en octobre 2021 montrent que le bâtiment est en bon état général. En revanche les façades nécessitent un ravalement et une isolation. Elles présentent de nombreuses épaufrures ainsi que des ferraillages à nu. A l’intérieur, le diagnostic architectural et technique a révélé des problèmes de moisissures liés à la condensation, un effet de « paroi froide », la présence d’une ventilation naturelle importante, etc. L’ensemble génère un inconfort important pour les locataires.
L’élégance de la tour de 1962
Les qualités architecturales de la tour livrée en 1962 reposent sur son écriture architecturale (typologies très qualitatives), mais aussi sur des matériaux pérennes, à l’exemple des menuiseries extérieures en acier, des volets en bois et des revêtements de sols. Créée dans une démarche de juste utilisation de la matière, la structure n’offre pas de larges possibilités d’« alourdir » l’existant. Érigée dans un contexte de crise du logement, la structure du bâtiment a été pensée « au plus juste ».
La rénovation thermique PALULOS des années 2000
Le bâtiment a été rénové en site occupé dans les années 2000 par une mise aux normes électrique et un changement des menuiseries extérieures notamment. Cette rénovation interroge aujourd’hui. Le diagnostic a montré que les menuiseries PVC et les volets PVC sont détériorés après une durée de vie de 20 ans seulement. Il ressort de la concertation avec les habitants qu’ils ne souhaitent pas connaître à nouveau des travaux non pérennes et préfèrent que le projet se concentre sur moins de poste de travaux, avec une meilleure qualité de prestation.
Restituer les qualités initiales
Notre position est de réussir à ne pas dégrader l’état actuel, voire de pouvoir restituer en partie les qualités initiales. Ainsi, le clair de vitrage a nettement diminué avec la mise en place des châssis rénovation sur cadre existant, en PVC. Les proportions initiales de 1m d’allège et des fenêtres horizontales en bandeaux offraient des baies qui découpaient chaque étage en deux. Malgré l’isolation thermique par l’extérieur, nous proposons de conserver le jeu de modénature actuel en façade en restituant les reliefs parfois légers qui différencient les éléments constructifs : nez de dalle, retrait des allèges en mosaïque, avancée des poteaux, etc.).
La tripartition
Le projet tend à faire évoluer la tour pour retrouver la tripartition propre aux immeubles parisiens avec un couronnement en toiture , un corps de bâtiment dont la lisibilité horizontale est renforcée et un soubassement sous forme d'une résille, support de végétalisation et dispositif de mise à distance des RDC (en collaboration avec les paysagistes Wagon Landscaping).
Une isolation par l’extérieur
La façade combine à la fois principes d’inertie par la mise en œuvre de brique (dont briques de réemploi) et d’une ITE en matériau biosourcé. Cet isolant luttera d’une part contre les déperditions, mais assurera aussi un confort thermique d’été, grâce à son déphasage plus lent que celui d’une laine minérale. Les vitrages seront remplacés par des doubles vitrages performants, tout en respectant les conditions nécessaires à l’acoustique.
Une façade habitée : deux types d’allèges
Les baies existantes sont remplacées et leurs allèges déconstruites afin d’augmenter l’apport de lumière naturelle et le rapport à l’extérieur de chaque logement. Elles sont de deux types :
Allège des jardins d’hiver qui accueillent une jardinière
Allège des pièces de vie
Les allèges des logements seront mises en œuvre dans un temps court afin de limiter les impacts sur le clos/couvert du bâtiment et permettre une intervention en site occupé. Ces allèges sont composées de briques creuses ainsi que d’un isolant, afin d’atteindre les objectifs du Plan Climat
Renforcer le rôle des loggias existantes - transformation en jardins d'hiver
Les loggias existantes sont vitrées et transformées en jardin d’hiver. Ces espaces tampon augmentent le confort en demi-saison, grâce au rayonnement solaire. Lors du diagnostic architectural avec les habitants, nous avons abordé l’évolution des usages, notamment de leur balcon, simple débarras pour certains locataires. De nombreux habitants ont été intéressés par ces jardins d’hiver, notamment ceux qui jardinent.
Afin de participer au confort d’été, les jardins d’hiver sont équipés de vitrages amovibles pour éviter les surchauffes ainsi que de stores textiles extérieurs pour arrêter les rayonnements solaires directs. En demi-saison l’effet de serre généré par les simples vitrages permettront de limiter les besoins en chauffage à l’intérieur du logement en journée, mais aussi d’allonger les périodes d’occupation.
Une ventilation naturelle assistée (VNA)
La typologie du bâtiment (tour de 10 étages) permet d’utiliser le tirage naturel. Les gaines de ventilation naturelle existantes serviront pour accueillir les bouches d’extraction des VNA. Les prises d’air seront positionnées en façades, redimensionnées pour limiter les déperditions. Des moteurs seront intégrés en toiture, dans le volume existant des conduits.
Méthodologie de concertation (résidence architecturale) de la réhabilitation en site occupé
Notre proposition architecturale s’appuie sur une méthodologie impliquant fortement les locataires intéressés par le suivi du projet. L’immersion sur site nous a permis d’une part de travailler dans la maison du projet la journée, d’autre part d’habiter dans un logement vacant (T3 du 8e étage) le temps du diagnostic (5 semaines). Nous avons mené 25 entretiens architecturaux qui ont duré entre 1h30 et 2h30, 25 visites techniques avec les bureaux d’études TCE et acoustique.
L’expérience a permis de gagner du temps dans la connaissance du bâti. Cela a été aussi l’occasion de mieux se forger une opinion sur les pathologies et le ressenti des habitants sur leur logement.
Paris Habitat propose aux locataires de s’inscrire gratuitement à un atelier d’auto réparation pour réparer des éléments cassés de leur logement, normalement à la charge du locataire. L’association Les compagnons bâtisseurs s’appuie sur les gisements offerts dans les logements vacants voués à la démolition, grâce au Diagnostic PEMD réalisé sur site. Les chantiers ont eu lieu au printemps 2023.